Lire et Entendre LacanSerge HAJLBLUM
Le champ de la psychanalyse
est ponctué par ces seuls deux noms propres : celui de Sigmund
Freud, dans la langue allemande, et celui de Jacques Lacan, dans
la langue française. Quels que soient les rapports théoriques entre
ces deux créateurs, ce dont je ne souhaite pas discuter ici, je
ne peux que me rendre à cette évidence : qu’ils n’interviennent
pas de la même manière dans ce champ de la position de l’inconscient. Pour ce qui m’intéresse ici, si, avec Freud, l’écriture
tient une place essentielle à l’élaboration théorique, à sa diffusion,
à la sortie de l’isolement dont il s’est beaucoup plaint, on peut,
sans grande contestation, soutenir qu’avec Lacan, c’est par une
tradition orale que vient se reposer la question de la théorie de
la psychanalyse et de son exercice. Freud est mort : il nous reste ses écrits qui
forment le texte de fondement de la psychanalyse. Lacan est mort : sa voix est éteinte. Nul artifice
technique d’enregistrement et de reproduction du son et de la voix
ne saurait ni démentir, ni retarder la mort : ne saurait aller
dans ce sens d’une vie pendant ce temps de la mort, d’un différé
de la mort par elle-même comme si la mort allait se disant mourant
[1]
. Alors, ne restent de ses élaborations que ses
Ecrits et, d’une manière plus générale, des écrits. Et, en plus,
des enregistrements sonores tant de son séminaire que d’interventions
connexes : et enfin, rien, d’un rien marqué, si ce n’est des
(re)transcriptions trop souvent hasardeuses sous le mode d’une admissibilité
de notes, de souvenirs etc. Alors, si pour l’aujourd’hui des références théoriques
pour la psychanalyse, il faut lire et lire encore l’œuvre écrite
de S. Freud, on sait bien, d’expérience commune, qu’avec J. Lacan,
le problème se pose d’une manière sensiblement différente pour autant
qu’il existe et un champ oral qui, dans son vif, n’est plus, et
un champ d’écrits : l’un et l’autre tout essentiels tant pour
eux-mêmes qu’articulés l’un par rapport à l’autre. De Freud à Lacan, il y a un saut de voix, de
la parole dite en voix, à voix haute. Je soutiendrai volontiers
que ce saut retourne au principe de la séance de psychanalyse, jusque
dans son tempo : dire, tout dire, à voix haute ; aussi
bien ce saut est au principe de l’enseignement de la psychanalyse,
peut-être de sa transmission : un principe d’orateur
[2]
, voire de sophiste et, Lacan disait, d’analysant,
soutenant de fait en ce moment précis où de son séminaire il faisait
parole d’analysant, que le champ de la psychanalyse faisait cause
commune avec celui de la voix. Un des points de l’avancée de Lacan par rapport à
Freud est cet appui, offert par la théorie elle-même, sur la voix
qui n’est en tout état de cause, nullement ni théorisée ni intégrée
pleinement à la théorie. Je veux suspendre mon fil pour bien souligner que
le clivage absolu entre l’écrit et la voix n’est pas tenable. Il
y a un jeu entre eux, jeu qu’on va nécessairement retrouver, à chaque
fois sous un mode différent et qui témoignera de la participation
de l’un quelconque au fondement de l’autre. Alors, qu’en est-il de l’invitation à entendre Lacan ?
Qu’en est-il de l’invitation à lire Lacan ? Je pose ces questions étant données que j’ai eu l’initiative
de faire autre chose que de la (re)transcription avec les enregistrements
des séminaires de Lacan. Cette initiative, je l’ai eue au décours
d’évènements de vie personnelle conjugués à une évolution dans ce
que je soutenais jusqu’à lors ; cette idée de faire du sonore
de Lacan comme les jeunes font avec la musique, c’est-à-dire de
numériser les séances de séminaire enregistrées, de les compresser,
et de mettre ces enregistrements à disposition de tous par Internet.
Somme toute, la petite musique de la psychanalyse. Donc, pour développer
cette question de lire/entendre Lacan, je fais l’hypothèse d’une
formulation quant à l’abord de l’enseignement de Lacan pour la psychanalyse : Lacan n’a pas
écrit plus –ou moins- que ce qu’il a écrit. Ou bien, je peux
proposer cette autre formulation, l’une étant indifféremment une
variante de l’autre : Lacan n’a écrit
que ce qu’il a écrit. J’entends par plus,
par moins, par ne … que, par
tous ces quantificateurs, seulement ceci : qu’on ne
peut imputer à J. Lacan, comme auteur, d’autres écrits que ceux
qu’il a effectivement produits de sa main, reconnus pour tels comme
siens et signés. Tous les écrits qui ne satisfont pas à ces trois
conditions minimum, et je pense essentiellement à toutes les (re)transcriptions
ou ré-écritures des séances de son séminaire, de ses diverses interventions
etc. qui sont comme ces tableaux sortis des ateliers des grands
peintres : de l’école de… attribués à… etc. où l’on peut reconnaître
à l’auteur, à l’élève donc, un vœu d’appartenance ou une appartenance
effective –mais de tout ceci, qui en déciderait ?- : ce
qu’on peut supposer pouvoir avoir pu faire l’objet d’un échange
ou d’une transmission, peut-être pas tout à fait un style, mais
plus sûrement pas une signature
[3]
. Quoique, avec l’introduction
de la dimension de la signature, en introduisant l’idée de signature,
on se prenne dans un piège parce que J. Lacan –comme ces peintres
ayant fait école ou atelier- a effectivement, explicitement signé
ce que non seulement il n’a pas écrit, mais ce qui, de par sa signature,
a en même temps appelé à une nomination déliée du texte pour lequel
le nom propre de l’auteur aurait pu faire signature. Dans le champ
de l’écrit, le nom propre joue dans ce jeu pulsatif d’écriture entre
signature et nomination. Somme toute, en
signant seul, Lacan déliait ce qui du nom propre s’attachait à,
signait un écrit. Par là, il ouvrait la possibilité pour un écrit
de faire texte. Il a mis en place un tiers terme, une nomination
différente de celle intervenant au terme de la procédure de la passe
[4]
dont, en même temps, il inventait la procédure ;
je pense là très précisément au principe de fonctionnement de la
revue de l’Ecole Freudienne de Paris, Scilicet, dont les articles
n’étaient pas signés hors cette signature globale du nom de J. Lacan
et où, à la fin du second numéro (Numéro 2/3), les noms des auteurs
des articles parus étaient inscrits dans une liste alphabétique,
décollés des textes auxquels ils auraient été attachés, suivant
les usages courant.
[5]
Par une immense
méprise, le principe de la liste des noms –soient les participants
à l’atelier, ou les élèves de l’Ecole, ou encore les élèves de Lacan-
n’a pas été reconduit dans les numéros suivants. Il a donc été fait
fi de la dimension de la nomination, sous couvert d’un anonymat
[6]
supporté par le nom de Lacan en sa signature,
anonymat qui n’a jamais été de mise, comme tel, dans le projet de
Scilicet
[7]
. L’arrêt de la parution de la revue est venu
en contrepoint de son ouverture, à savoir ce que Lacan a posé comme
Les Raisons d’un Echec, inaugural pour ce qui concerne la passe
et la publication de Scilicet. Lire Lacan, c’est
donc lire et ce qu’il a écrit disons en propre, et ce qu’il a signé,
et enfin le fonctionnement même de la signature qui, à tout moment,
relance la question tant de l’écrit, de la signature apposée que
de la nomination. Lire Lacan, c’est donc lire un jeu d’écriture
à la fois organisé par le nom de Lacan et mettant en jeu cette nomination
même au travers de l’autre jeu de la signature référée à la position
du nom de Lacan comme seul signataire. On comprend alors
que l’hypothèse que j’ai proposée en ouverture et qui s’entame par
le nom de Lacan (Lacan n’a pas écrit plus –ou moins- que ce qu’il
a écrit : ou Lacan n’a écrit que ce qu’il a écrit) ne se
tienne que mal comme supposition simple, claire et
évidente : sa formule ne s’inscrit somme toute que comme
une grimace donnant à penser à un réel intangible
[8]
. La forme de cette
grimace ? Elle ne se configure qu ‘à omettre que ce qu’on
appelle écriture n’est qu’un jeu d’écriture sous-jacent
à l’écrit enfin posé. Elle fait oublier les divers temps d’écriture
et d’identification
[9]
des écritures, dont elle ne procède que comme
concrétion ou comme éclat. Si cette écriture
ne se délivre que comme grimace de tout un procès d’écritures et
d’identification, alors on peut la saisir en tant qu’objet dont
le parangon est à trouver du côté de ce que Freud a théorisé comme
fétiche. La mise en place
de l’objet fétiche en ce qu’il vise et à démentir la castration
et à échapper à sa crainte, procède d’un jeu de parole et d’écriture
dont le modèle est proposé par Freud dans le passage et homophonique
de langues et homographique (dans la même forme d’écriture, latine)
par la condensation de « ce » en « z », du regard
-sur le nez- au brillant -sur le nez- (De Glance à Glanz).
Comme si « ce » et « z » s’avéraient
identifiés, seraient le même chose du point de vue d’une certaine
lecture interprétative : comme deux et 2 sont identifiés
[10]
. Mais ce qui nous
intéresse ici est, tout d’abord, cette remarque de Freud :
« ainsi le nez était ce fétiche auquel, du reste, il pouvait
à son gré octroyer
[11]
ce brillant que les autres ne pouvaient percevoir. » :
ce brillant dont, juste avant, Freud avait souligné ceci : « un
jeune homme qui avait érigé comme condition du fétiche un certain
« brillant sur le nez » » : « Der
aus den ersten Kinderzeiten stammende Fetisch war nicht deutsch,
sondern englisch zu lesen, der »Glanz auf der Nase« war eigentlich
ein »Blick auf die Nase« (glance = Blick), die Nase war also der
Fetisch, dem er übrigens [du reste] nach seinem Belieben
[à son gré] jenes besondere [particulier, singulier,
étrange] Glanzlicht [glanz : éclat, brillant ;
licht : lumière] verlieh [verleihen : octroyer],
das andere nicht wahrnehmen konnten. »
[12]
Je pose que le fait
d’octroyer ce brillant que nul autre donc ne pourrait percevoir
[13]
est l’opération de base de la lecture qui fait
écriture : cette lecture, à ce point personnelle, produit l’écrit
comme une singularité adressée à chaque singularité des lecteurs
possibles considérés un par un. Pour paraphraser Freud, le lecteur
ou la lecture en général octroie l’écriture en la lisant :
de même que le jeune homme octroie, au gré de son ouverture à une
jouissance phallique possible, cette valeur de brillance. Voilà qui renvoie
bien l’écriture à un éclat : un éclat de lire
[14]
. De cet éclat, nous pouvons soutenir qu’il oblige
à supposer ce réel dont il se manifeste comme éclat. C’est donc
dans troisième temps que le réel se dégage comme effet causant,
bien loin de quelque intangibilité de l’être. La lisibilité de
l’écriture est celle de son éclat : elle est de l’ordre de
l’octroi, donc et de voix et d’écriture. Lire, c’est aussi rendre
de sa voix à l’écriture qui s’en produit. Sa voix : là
encore la question de l’auteur et de l’octroi se rejoue. Quand le
lecteur lit, à savoir quand le lecteur octroie cette qualité d’écriture,
il y donne de sa voix à lui, mais certainement pas n’importe comment :
il interprète. Lire, c’est aussi bien interpréter des gribouillis
comme écritures, de la même manière que l’organe nez est interprété,
par la brillance octroyée, comme support de jouissance phallique
possible. Mais c’est aussi interpréter l’interprétation de voix :
de sa voix à lui, lecteur, mais aussi de la voix, bien étouffée
si ce n’est de pas de réalité, dont l’auteur a voulu se soutenir
et se déprendre en même temps par la lecture/écriture. Dans un schéma temporel,
nous soutiendrons que lire c’est rendre une antécédence ambiguë
de voix à l’écriture produite et appelée par la lecture. J’entends
par rendre ce qui ressort de cet octroi et non pas ce qui serait
dévoilement de quelque être existant, avant. L’antécédence, dans
l’ambiguïté, nous pouvons soutenir qu’elle est double : à savoir
en écart par rapport à elle-même, différée. L’antécédence de voix
est à prendre en considération comme une différence qui fait jouer
la voix comme ce dont elle est différence. A reprendre l’analyse
du o/a hors ce ravissement du regard, nous ne pouvons qu’être frappé
que c’est dans son fond, d’un jeu de voix dont il est question.
C’est d’ailleurs ce que Freud souligne dans la Traumdeutung quand
il se saisit du jeu, en note : « L’enfant savait parfaitement,
à ce moment [20 mois], exprimer le concept de séparation. L’un de
ses premiers mots a été un « oooh ! » prolongé
et accentué d’une manière particulière qui signifiait « fort »
(parti). »
[15]
Ce à partir de la séparation d’avec son père
qui devait partir le lendemain pour le front. Je soutiens, avec
Freud que s’il y a, dans cette vocalisation, un paradigme de représentations
–la mère, le père, la bobine- ce paradigme n’est possible que parce
qu’il y a une séparation qui se joue au sein de la voix et que Freud,
dans cette note, marque comme accentuation particulière. Séparation
dans le bruit que Freud va, plus tard, reconduire au sein même de
la voix par une différence o/a, (Interprétée fort/da). On entend
bien comment joue la différence au sein de la voix : à accrocher
la voix dans le fond du bruit et à accrocher une voix à cette voix-là
de différence. N’est-ce pas ce
qu’écrit Freud, à savoir produire de la voix en tant que différence,
dans cette extraordinaire note de l’Analyse dite du Petit Hans ?
Nous citons
en allemand : « Wiederum ein typisches Verhalten. Ein
anderer, nur um zwei Jahre älterer Bruder pflegte unter den gleichen
Verhältnissen ärgerlich mit dem Ausrufe „zu k(l)lein, zu k(l)ein“
abzuwehren.“
[16]
C’est
la solution de l’écriture en parenthèse que Freud trouve pour rendre
compte d’une profération (Ausruf) non différenciée
entre Klein et Kein, entre deux phonations impossibles à dire en
même temps. Ici, l’écriture rend de la voix au bruit en tant qu’elle
le diffère en son sein. Cette note, je propose de la traduire ainsi :
« De nouveau un comportement typique. Un autre frère âgé de
seulement deux ans de plus [que sa sœur] avait coutume de parer
à de semblables remarques par une profération de colère « tro(u)pas !
tro(u)pas » A lire ce qui alors
se produit comme écriture, on rend cette voix au bruit, voix qui,
par causation rétrogrédiante, fait l’écriture dans ce jeu du lisible/illisible,
fait l’écriture dans le jeu de l’écrit. Dans un schéma temporel,
je soutiendrai que lire c’est rendre une antécédence de voix à
l’écriture produite et appelée par la lecture qui s’en oblige alors.
Nous entendons par rendre ce qui ressort de cet octroi et
non pas ce qui ressortirait de quelque être existant, avant, ce
qui participerait donc d’un dû. Vous entendez bien
alors que par cette expression, éclat de lire, je me saisis de l’éclat
de voix qui est au fond de toute séance d’analyse : « la
laisser raconter ce qu’elle à dire » a dit, d’un ton très bourru,
Emmy Von N… à Freud qui y consent
[17]
et inaugure alors la séance d’analyse. A cet
égard, il vaudrait aussi de lire tout un pan de cette Psychopathologie
de la Vie Quotidienne de S. Freud, délaissée par les théoriciens. Laisser parler à
voix haute tout ce qui se formulerait dans un intime hors la voix
–Ce que les neurologues du 19ème siècle appellent le
langage intérieur parce que n’étant pas en voix- tout ce qu’on n’oserait
même pas se murmurer, et par là, laisser échapper d’imprévisible
–le lapsus par exemple, le dire faisant sujet par autre exemple-
tout cela, qu’on puisse parler et dire, relève de la voix comme
éclat en tant qu’il n’y a que de l’éclat de voix dans le champ de
la psychanalyse. N’est-ce pas ça que le lecteur de ce conte écrit
par Pascal Quignard, Le Nom au Bout de la Langue, est contraint
de lire, cet empêchement, jusqu’au moment final, où enfin le nom
est jaculé à voix haute ? Jaculer, jaculer
le nom : je n’emploie pas ce terme uniquement par un caprice
d’une pensée retorse. Il se trouve que quand Freud parle de la voix,
de la parole et du langage dans ses écrits dits de neurologie, il
s’appuie essentiellement sur Hugling Jackson qui parle du noyau
du dire en voix, de noyau de voix dans le dire, quand le dire est
altéré par tous ces désordres neurologiques, comme d’une « jaculation ». En se hasardant un peu, très très peu somme toute, il est possible de soutenir que Freud a abordé ces problèmes de la parole en se trouvant confronté, de par ses références majeures à l’époque, à ce qui de la voix fait jouissance. Par là, il est possible de comprendre pourquoi ce mode de lecture qui introduit à un face à face avec la jouissance de la voix, il est possible de saisir la raison de son refoulement dans la théorie ; parce que la théorie, si elle savait parler de la jouissance, ne saurait prêter à jouir sans en être entamée comme théorie même, jusque dans sa complétude… [1] Il est bon, à cet égard, de lire le texte de J. Nassif, « M. Valdemar, encore », qui est une reprise de la référence de J. Lacan à la nouvelle d’Edgar Poe : ainsi que l’ « Eve Future » de Villiers de l’Isle Adam. [2] Comme l’a très bien compris et mis en scène Isaac Asimov dans sa saga des Fondations qui se joue essentiellement dans un rapport et de soumission et de conflit avec la voix représentée par le cercle des Orateurs. [3] Ce qui ne va pas sans d’infinis problèmes. Par exemple, il existe trois versions du rapport de Rome : un document ronéotypé d’avant le congrès, le rapport tel que publié dans la revue La Psychanalyse, N°1, et ce même rapport tel que publié dans les Ecrits en 1966. L’Ecole Lacanienne de Psychanalyse les a publiés en 1993. Là, on a à faire à un problème de ce qu’on appelle aujourd’hui la génétique d’un texte. Un autre exemple qui ne ressort pas tout à fait de la génétique littéraire: le texte qui clôt les Ecrits, de 1966, La Science et la Vérité. Il en existe au moins trois versions : une, ronéotypée comme une sorte de numéro Zéro des Cahiers pour l’Analyse, et dont la transcription est signée J.A. Miller : une autre qui est éditée dans le numéro 1 des Cahiers pour l’Analyse, vendu dans le commerce, également signée J.A. Miller : et enfin la version des Ecrits de 1966, signée de J. Lacan de par la signature globale des Ecrits. [4] Procédure par laquelle Lacan, en tant que directeur d’Ecole, s’opposait au système de l’agrément et de la reconnaissance qui primait dans les autres institutions de psychanalyse. Par la passe, c’est à dire par cette procédure où un tiers (deux passeurs) entendait ce qui passait du désir de l’impétrant et l’autorisait à se soutenir de la position de psychanalyste, à charge au tiers (les deux passeurs) de le faire passer à un jury qui, en en entendant, se prononçait quant à une nomination au titre d’Analyste de l’Ecole Freudienne de Paris. [5] Il n’est que de lire ce que Lacan signe en fin de liste : « Ils [les signataires des articles] se font ainsi la tête, soit premier pas, mais thèse aussi, de ce qu’une publication épisodique doit à l’Ecole. Comme firent ceux de Bourbaki pour leur publication monumentale. C’est qu’à choses telles (et toutes proportions gardées), on ne contribue pas en son nom, sauf à leur faire de ce qu’on l’efface, véhicule. Dans mon cas, c’est malgré : J.L. » [6] C’est porté par cette idée d’anonymat qu’est parue, du vivant de Lacan, parallèlement à Scilicet, une revue, « L’Ordinaire du Psychanalyste ». Là, je peux soutenir que si le nom de Lacan n’y était pas directement comme signataire, il y était présent in absentia, donc ne serait-ce que négativement, au titre de contrepoint. L’anonymat est décidément bien difficile ! [7] Il n’est que de Lire dans le second numéro de Scilicet ce qu’écrit Lacan : « D’une délibération tranchant d’une voie, elle sans problème, sur l’indication du déclin de l’auteur. Ce qui, je le précise une fois de plus, n’exige pas l’anonymat, mais la non-identification. A ce que se prouve la formation, pas l’auteur. » [8] A fortiori dans un développement à la mode de Tarski du type : Lacan n’a écrit que ce qu’il a écrit si et seulement si il n’a écrit que ce qu’il a écrit, qui tient pour établi un jeu d’identification entre les deux écritures du syntagme « n’a écrit que ce qu’il a écrit ». C’est cette identification même qui, dans le jeu d’écritures est remise en mouvement: somme toute, rien ne dit que ce syntagme, d’un premier côté de la phrase, ou de l’assertion, ou de la proposition, soit le même que sa forme supposée répétée ou antécédente. Rien ne dit que le second (Soit l’un quelconque) ne soit pas que le masque grimaçant du premier (Soit l’autre quelconque de l’un quelconque). [9] Rappelons-nous bien que Lacan emploie, à propos de l’écriture et de l’auteur, le terme de non-identification : c’est bien qu’il pense à la question de l’identification dans le rapport et de l’écriture et de l’écrit à l’auteur. [10] Je renvoie au travail de Didier Vaudène que j’espère ne pas trop distordre là. Nous devons rajouter par élision du vocal rendant présente une autre forme d’ambiguïté ; dans l’expression, hors contexte plus large, Tiens, ça c’est deux/d’eux, par exemple : il est vrai, toutefois, que le pluriel commence à deux ? d’eux ?… [11] Octroyer vient du latin juridique auctor, garant, auteur.
[12]
Freud S.
GW. XIV, pp 309-317. p 309. [13] A rapprocher de ce qui sert de point de départ aux propositions de Michel Guibal : ces voix que personne d’autre n’entend… [14] J’emprunte cette expression, Eclat de lire, à tout le travail de François Baudry, ensemble publié sous le titre Eclats de l’objet, ed. Campagne Première, Paris 2000. [15] S. Freud. Die Traumdeutung., GW. Band II-III Pp 463-464, & L’Interprétation des rêves, p 395 (ed PUF Paris 1967)
[16]
Freud, G.W. Analyse der Phobie eines fünfjährigen
Knaben“, G.W. Band VII, p 248. [17] Etudes sur l’hystérie, trad. Anne Berman, PUF, Paris 1956. Mme Emmy Von N…, p 48.
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